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Les actions ont été imaginées pour être vendues apparemment et entrer dans la circulation. Les prospectus sont faits aussi pour donner au public connaissance des entreprises, montrer leurs avantages, calculer les probabilités du rendement. Quant à la vente et au rachat des actions par les compagnies, soit par leurs conseils d’administration, qui peut leur faire un crime, d’abord, dans un cas de baisse excessive, de racheter leurs actions dépréciées, par ce moyen de déjouer la malveillance et de soutenir leur crédit ; puis, quand la hausse est revenue, quand le public est remis de sa panique, de porter de nouveau les actions sur le marché ?

Nous voudrions savoir ce qu’un casuiste, non de l’école relâchée d’Escobar, mais de l’école sévère de Port-Royal, consulté sur ces manœuvres de l’agiotage anonyme et en commandite, répondrait à cela ?

Enfants, dirait-il, vous ne voyez pas que toutes vos transactions, vos contrats, vos promesses, vos obligations, sont primées elles-mêmes par une cause dont la fatalité vous entraîne, bon gré malgré, dans la prévarication ; c’est votre condition d’antagonisme légal, c’est cette insolidarité organique, suprême, qui fait la base exprimée ou sous-entendue de tous vos contrats, et en faveur de laquelle ceux-ci doivent s’interpréter toujours. À la place de l’état de guerre, qui fait l’âme de votre droit, commencez par poser en principe la mutualité universelle ; et vous pourrez ensuite parler de justice, vous aurez vaincu le péché d’origine.

Qui veut la fin veut les moyens. Si la vente des actions à prime est de droit, sera-t-il défendu au vendeur de faire valoir par les moyens ordinaires du commerce, ses titres, qui sont sa marchandise ?

La question touche à la niaiserie. Mais, comme l’erreur commise de bonne foi dans la mise en valeur d’un capital et la fondation d’une entreprise n’est pas imputable, nous allons voir les comptes rendus hebdomadaires et annuels des sociétés donner carrière à des abus, à des escroqueries effroyables.

« Beaucoup de compagnies s’efforcent à tout prix de développer leurs recettes. Ce sentiment est louable ; mais il ne doit pas être