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nous défions qu’on en cite une seule dont les fondateurs, administrateurs, directeurs, gérants, osent jurer qu’ils sont purs de toute opération équivoque.

Comment, nous ne cesserons de le dire, en serait-il autrement, quand l’état des mœurs, quand les définitions de la loi, quand les théories de la science ouvrent la porte à toutes les malversations, par cela même les excusent, les autorisent ?

Déjà nous avons vu de quelle manière un fondateur de société pouvait, le plus légalement, bien mieux, le plus loyalement du monde, entraîner des milliers d’actionnaires dans une entreprise où ils perdraient tous, à la fin, 30 0/0 de leur capital, pendant que lui-même et les siens réaliseraient un bénéfice de 70 0/0.

Il en est de même pour les remises et fournitures.

Où est la loi, le principe, soit d’économie, soit de morale, qui interdise à un administrateur, à un membre du conseil de surveillance, à un gérant, de faire à sa compagnie la fourniture des objets dont elle a besoin ? Cela est tellement dans la nature des choses, tellement rationnel, qu’il se voit des sociétés formées tout exprès entre banquiers, industriels, marchands, commissionnaires, propriétaires, etc., à fin d’assurer à chacun d’eux le placement de ses marchandises et produits.

Or, si je puis être vendeur envers ma compagnie, j’ai droit à un bénéfice sur ma vente. Quelle loi viendra limiter ce bénéfice ? Aucune : donc, etc.

De même, si je puis être vendeur de mes produits, je puis l’être encore des marchandises que j’ai achetées à mes risques personnels pour les revendre. Ici encore j’ai droit à un bénéfice ou remise : donc, etc.

De ce principe, en soi irréfutable, nonobstant toutes restrictions et modifications particulières, la mauvaise conscience se prévalant de l’insolidarité fondamentale qui gouverne la société et toutes les transactions qui s’y opèrent, saura bien tirer toutes les interprétations et conséquences qui, dans un cas donné, la justifient ; et une fois le chapitre des interprétations entamé, elle ne gardera plus de mesure,