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feuilles former une masse capable de tenir tête aux grandes puissances.

L’instruction et l’association : voilà, en deux mots, le système curatif de M. Jourdan.

Rêve d’une belle âme ! Pour mettre fin à l’anarchie dont profitaient quelques fripons, on se forme en partis, on organise la guerre civile !… Quelle découverte !

Si la Compagnie se borne à donner des consultations, comme faisait autrefois le Journal des Actionnaires, elle va directement contre le respect de la commandite, ainsi que nous le disions tout à l’heure à propos de l’Almanach de la Bourse ; elle ne peut garantir ni la sûreté ni la sincérité de ses conseils : en un mot, d’office de consultation, elle devient fatalement agence de chantage.

Si, non contente de conseiller, la Compagnie prend en main la conduite des opérations, c’est une guerre de flibustiers qu’elle entame contre les entreprises concurrentes, guerre qui, loin de calmer la fureur du jeu, ne peut servir qu’à l’envenimer. Car il faut que la Compagnie joue, ne fût-ce que pour gagner de quoi payer ses frais généraux. Entre cinq ou six établissements rivaux qui s’arrachent les opérations d’arbitrage, l’arbitrage redevient fatalement spéculation à la hausse ou à la baisse, à terme ou à prime. La guerre, une guerre acharnée, est donc inévitable.

Sous prétexte de désencombrer le portique, une ordonnance de police vient d’établir une taxe de 1 fr. sur toute personne entrant à la Bourse. Qu’est-ce à dire ? La police, en établissant cette taxe, a obéi à son génie fiscal. Par le fait, elle a consacré le jeu, elle lui a conféré le droit civique ; bien plus, elle en a fait un privilége. Il serait absurde de voir là un moyen de moralisation de la Bourse.

Eh bien, sous le prétexte d’informer le public, et, au besoin, de rallier, discipliner, placer avantageusement les petits capitaux, la Compagnie Amail et ses pareilles n’ont fait autre chose qu’obéir à leur génie agioteur. C’est tout ce que nous voulions dire à l’apostolique M. Jourdan.

Du reste, il ne manque pas d’imitateurs. La Bourse ne fait acception d’aucun parti. Au banquet de l’agiotage, jésuites,