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cipée circule sur la place. Les gens bien instruits, bien avisés, se trompent souvent dans la confiance qu’ils mettent aux rapports qui leur sont faits. Mais enfin ce bruit est répandu avec assez d’habileté : il y a plus de 200 fr. de dividende pour 1855. Là-dessus, des journaux, dont le langage change, j’en conviens, à certaines époques, se montrent très-favorables à la compagnie du Crédit mobilier.

« Le Journal des Chemins de fer de M. Mirès, entre autres, annonce qu’il existe pour la Compagnie du Crédit mobilier un projet de diviser les actions en coupons de 230 fr. et de doubler le capital en donnant une action nouvelle au pair à chaque action ancienne. On affirmait ailleurs qu’il n’en était pas encore question, et qu’il fallait ranger cette rumeur parmi celles qu’une spéculation effrénée répand pour en profiter et obtenir des mouvements factices. À qui fallait-il imputer la spéculation effrénée ? Je n’en sais rien. Mais le public, dans lequel on faisait circuler qu’il y aurait à la fin de 1855 un dividende de 200 fr. au moins, n’était pas induit en erreur. C’était une prévision singulière sur l’exercice 1855, qui avait encore cinq grands mois à courir, que de déterminer qu’il y aurait 200 fr. de bénéfices à la fin de l’année, sans savoir quels événements pourraient survenir. Nous étions en pleine guerre ; on ne savait pas quels besoins l’État pourrait éprouver, quelles négociations détourneraient de certaines valeurs les capitaux pour les porter dans les caisses du Trésor, qui auraient peut-être besoin d’être remplies. Prévoir la paix était une difficulté bien grande pour tous les esprits, à cette époque-là. Mais la Compagnie du Crédit mobilier en savait assez. Le public était éclairé par elle. Certainement, à la fin de 1855, il y aurait 200 fr. de dividende.

« Dans le projet d’augmentation du capital, les nouveaux titres sont réservés aux précédents actionnaires. En conséquence, il n’y a que ceux qui sont porteurs d’actions de la Compagnie qui vont avoir dans des conditions très-avantageuses, au pair, au-dessous même du pair, parce qu’il y aura des primes accordées, les actions nouvelles qui vont être émises. Évidemment il n’y a pas de meilleur moyen de faire deux choses à la fois : 1° d’appeler des capitaux à venir prendre part à de si larges festins ; 2° de déterminer la hausse des actions dont on est porteur ou qui sont en circulation.

« Ce qui n’était qu’une rumeur au commencement prend de la consistance : le 1er septembre, les journaux annoncent que définitivement l’accroissement du capital de la Compagnie va avoir lieu au moyen d’obligations émises à 280 fr., dont 200 fr. payables en