L’auteur cite une opération dans laquelle ce roué de la diplomatie fut pourtant pris au piége de ses finasseries. Il avait fait vendre 600,000 fr. de rentes à découvert en quelques jours. L’agent du prince n’était pas sans inquiétude, car la tendance à la hausse était nettement accusée.
« Tout à coup on apprend l’intervention de la France en Espagne. C’était la guerre, et la guerre effraye toujours la Bourse. Mais on apprit en même temps que les puissances étrangères donnaient leur assentiment à cette intervention. La Bourse ne fut nullement effrayée, et la rente persista à monter. La vente de ces 600,000 fr. produisit une perte de 100,000 fr. L’agent présenta lui-même son compte de liquidation au prince, qui le reçut très-gracieusement, paya sa dette et se contenta de dire : « Nous serons plus heureux une autre fois. »
Le même auteur rapporte qu’une duchesse de R*** lui proposa un jour de l’associer à une opération du genre de celles de M. de Talleyrand.
« Il me serait possible, dit-elle, d’entr’ouvrir les rideaux d’une réunion où se discutent des propositions qui ont la plus grande influence sur les cours de la Bourse. Je m’étais fait un devoir de ne jamais user des secrets dont je devinais l’importance ; mais la nécessité a opéré une transformation dans mes idées. Vous souvient-il de l’époque où la Banque de France réduisit son escompte de 5 à 4 0/0 ? Quelques paroles amies me furent confiées ; j’achetai 12,000 livres de rente. Peu de jours après, cette opération me valut quelques mille francs de bénéfice. Cette circonstance se renouvellera ; la réduction sera de nouveau réclamée, ou décidée par la Banque elle-même. Vous comprenez l’importance d’une telle décision ; vous êtes un homme d’intelligence et… d’argent, comme tous les hommes de notre époque. Ce ne sont pas des nouvelles politiques qui n’ont rien de décisif ; ce sont des certitudes d’une opération qui ne peut faillir ; c’est une pluie d’or, ou plutôt une victoire gagnée sans les hasards du combat. » (La Bourse de Paris.)
Lors de la prise de Sébastopol, le gouvernement, impatient d’annoncer au public le succès de son expédition, fit afficher la nouvelle à la Bourse aussitôt qu’elle lui fut connue. Ce ne fut, parmi les spéculateurs, qu’un cri d’admiration sur le désintéressement de l’empereur et de ses minis-