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l’agent de change est le premier à spéculer contre ses clients. Il connaît à l’avance, par les ordres qu’il a reçus, quelle sera la physionomie du marché : il voit dans les cartes, il peut les biseauter au besoin.

« À la Bourse du jeudi 11 septembre 1851, les actions du chemin du Nord ont éprouvé une baisse subite et sans aucune cause apparente. Du cours de fermeture de la veille, 463 73 demandé, elles sont tombées successivement et sans interruption à 457 50. Pendant la même Bourse, toutes les actions de chemins de fer se sont maintenues aux cours qu’elles avaient atteint la veille. Un mouvement aussi brusque a inquiété les porteurs d’actions du Nord ; ils ont craint qu’une circonstance spéciale, connue seulement des vendeurs, ne fût la cause de cette baisse.

« Nous sommes en mesure de dissiper ces craintes et de rassurer les esprits, en expliquant d’une manière précise la cause de la baisse que les actions ont subie.

« Par suite de la rareté des titres de rente, les vendeurs de 5 0/0 à découvert sont, sous l’influence des escomptes, obligés de fournir les titres vendus. L’abondance des capitaux disponibles, la quantité de rentes achetées journellement, soit pour la Caisse d’épargne, soit pour les gros et petits capitalistes, est telle que les escomptes sont insuffisants et que des rachats forcés sont par suite nécessaires.

« Ces rachats sont faits, quand il y a lieu, par le syndicat des agents de change, qui fait supporter à ceux des membres du parquet qui les rendent nécessaires un courtage de 250 fr. par 5,000 fr. de rente, au lieu du courtage ordinaire de 50 fr. La différence constitue une espèce d’amende qui a pour effet de limiter la spéculation à la baisse en la rendant onéreuse pour ceux qui s’y livrent sur une grande échelle.

« C’est pour échapper à la pénalité imposée par le syndicat et continuer ses opérations sans avoir à subir les conséquences de l’escompte, du rachat et du courtage plein, qu’un agent de change connu par la hardiesse de ses spéculations à la baisse, a vendu, à la Bourse du 11 courant, des quantités considérables d’actions du Nord, et a ainsi écrasé les cours sur cette valeur.

« Voici comment son opération s’explique :

« Le capital du chemin du Nord étant représenté par 400,000 titres, l’agent en question compte que, grâce à cette abondance, il pourra satisfaire, sans grand préjudice, aux ventes qu’il a effectuées, et qu’il pourra ainsi rester à la baisse sans courir la