rent que les ustensiles les plus ordinaires des paysans de la contrée étaient en argent. Il n’y avait que 99 mines ouvertes dans tout le district, la compagnie proclama qu’elle en avait acheté 360. Une autre affirmait audacieusement que dans un pays où il n’y avait pas plus de cinq mille habitants, elle était propriétaire de 3,000 mines ; et bien que celles qui existaient eussent été abandonnées après une perte de 170,000 livres sterl. (4,2o0,000 fr.), elles n’en furent pas moins achetées à un prix très-élevé. Grâce à ce puff, les actions atteignirent une prime énorme.
« Une autre compagnie de mines se distingua par la magnanimité de ses sentiments. Ses règlements portaient qu’aucun de ses directeurs ne pourrait être propriétaire de plus de 200 actions ; que toutes les autres seraient loyalement mises à la disposition du public, et que la plus stricte probité dominerait toutes les transactions. Malheureusement tous ces beaux sentiments s’affaiblirent à mesure que la puissance de la compagnie s’accrut. Des milliers d’actions furent partagées entre les administrateurs et soigneusement mises sous clef. On prit une délibération par laquelle les directeurs et les agents de la compagnie étaient dispensés de faire des versements. Après quoi, ceux-ci chargèrent les courtiers les plus respectables de la Bourse d’acheter mille actions, qui furent payées avec l’argent de la compagnie. Il en résulta une hausse sur la place, à la suite de laquelle ils tirent vendre toutes leurs actions avec prime. C’était la personne même qui avait vendu les mines à la compagnie qui était chargée de donner des renseignements sur leur valeur. Quoique les mines ne valussent rien, ce compère ne laissait pas que d’en faire les descriptions les plus flatteuses. Telle mine qui ne valait pas 10,000 fr. fut achetée 275,000, et on paya 3,025, 000 fr. pour d’autres qu’on trouva presque tout épuisées. » (Bourse de Londres, passim)
À l’ombre de ces deux puissances, la Fortune et le Charlatanisme, le commun des martyrs perd ou gagne, selon les chances. De là un concert permanent de murmures et d’éloges où chacun à sa dévotion exalte ou maudit les rois de l’agio. Que leur importe ? Ils n’entendent point ce qui se dit si bas. Puis les mécontents d’aujourd’hui ne seront-ils pas les satisfaits de demain ?
Tel se croit habile parce qu’il a fait quelques bons coups. Le hasard a voulu qu’il opérât dans le même sens que Shylock et Figaro ; c’est pourquoi il a réussi.