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cations, de tous les crimes qui prennent leur origine à la Bourse et dont il profite, à quoi sert-il, d’ailleurs ?… À quoi servent ses capitaux ? Ceux qui s’en font les avocats, pour ne pas dire les souteneurs, devraient nous le dire.

Quant à nous, il nous est impossible d’avoir ici deux poids et deux mesures, d’amnistier l’exploiteur d’esclaves, quand nous condamnons le négrier. La Bourse, dit M. Mirès, est le marché aux capitaux. Nous l’avions dit nous-mêmes (page 75), et nous sommes heureux de nous rencontrer avec les chefs de la spéculation moderne. Mais sont-ce des marchands ou des parasites que ces piqueurs de différences qui ne tiennent à aucune entreprise, et qui n’auraient rien à recueillir, s’il n’y avait que des affaires sérieuses, si chaque actionnaire, comme le mot le donne à entendre, restait fidèle à sa commandite, si du moins de porteur d’actions à porteur d’actions il ne se faisait que des échanges réels, des arbitrages ?

Ce sont les habiles, joints aux nécessiteux, comme les appelle M. Mirès, qui allument le jeu, et les prudents l’entretiennent.

Or, si peu que chacun contribue pour sa part à la corruption publique, dès lors que tout le monde y contribue, il s’engendre une immense corruption. C’est ce qu’exprimait fort bien la Revue d’Édimbourg à propos des opérations de Chemins de fer :

« Les grandes fraudes que nous avons signalées ne sont pas le fait de la déloyauté d’un seul individu, ou même d’un groupe d’individus ; elles résultent de la combinaison des intérêts d’un grand nombre d’individus et d’agrégation d’individus. Comme une histoire qui passant de bouche en bouche et recevant à chaque édition nouvelle une légère addition, revient à sa source sous une forme presque méconnaissable ; de même c’est avec un peu d’abus d’influence de la part des propriétaires fonciers, un peu de favoritisme de la part des membres du Parlement, un peu d’intrigue de la part des gens de loi, un peu de collusion de la part des entrepreneurs et ingénieurs, un peu d’âpreté au gain de la part des directeurs, un peu d’atténuation des dépenses probables et d’exagération des bénéfices en expectative, que les actionnaires sont trom-