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si le vendeur justifie, par des offres régulières, avoir eu entre les mains, au moment de l’échéance du terme, le nombre d’actions par lui vendues ; peu importe le défaut d’identité des titres offerts s’il s’agit d’actions au porteur, car la désignation dans ce cas serait sans intérêt. »

Cette doctrine est un premier pas hors de la voie traditionnelle, bien qu’il ressorte évidemment du texte de l’arrêt que la Cour a cru avoir affaire à un vendeur de bonne foi. L’obligation de prouver par des offres réelles, le jour de l’échéance, qu’on est en mesure de livrer des titres quelconques, ne suffit plus à démontrer que le marché était sérieux. Quel agioteur en effet n’est en position de trouver des amis qui lui prêtent, pour une heure seulement, des titres au porteur qui lui donnent un aspect de rentier-propriétaire, d’homme honorable ? Si l’affaire en vaut un jour la peine, il ne manquera pas de s’établir un bureau de location de titres à l’usage des joueurs qui voudront échapper aux suites désastreuses d’un pari, en montrant, pièces en main, qu’ils ont entendu faire une vente réelle.

Un arrêt du tribunal de commerce du 26 février suivant va beaucoup plus loin :

« La vente des actions d’une compagnie industrielle à créer est valable, dit-il, pourvu que les parties aient en vue une livraison de titres, et non le payement de simples différences. »

Cette fois la jurisprudence tombe dans les restrictions mentales et les directions d’intention des pères jésuites, dont Blaise Pascal a tant égayé ses lecteurs. Cependant, tant que le législateur reconnaîtra les marchés à terme, les tribunaux en seront réduits à faire de la casuistique.

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur des dispositions législatives dont les boursiers, au surplus, ont su depuis longtemps s’affranchir, et dont l’application n’irait à rien de moins qu’à la fermeture de la Bourse et à la mise en jugement de tout son public. Il serait temps que nos jurisconsultes se persuadassent enfin que s’il n’est rien de plus aisé, dans tous les temps, que de légiférer (notre production législative est, dit-on, de plus de cinquante mille lois !…), il