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le 17 mars, ce n’était pas la dictature, que l’on jugeait plus que jamais nécessaire, c’était Blanqui. Blanqui écarté par la réprobation du Luxembourg, écrasé par la diffamation partie de l’Hôtel-de-Ville, on espérait ressaisir sans opposition, surtout sans rivalité, l’omnipotence dictatoriale. Comme si tout à l’heure, en repoussant l’homme, on n’avait pas condamné l’idée !...

Cette idée vivait partout. Le Gouvernement provisoire, condamné par sa nature et par l’hétérogénéité de ses éléments à se renfermer dans le rôle de conservateur, était bouillonnant de révolution : il voulait, quand même, révolutionner. Le souffle de l’opinion le poussant, il s’efforçait de saisir une initiative quelconque. Triste initiative ! La postérité refuserait de croire aux actes du Gouvernement de Février, si l’histoire n’avait pris soin d’en enregistrer les pièces. À part quelques mesures d’économie publique et d’utilité générale dont le temps avait révélé l’urgence et que la circonstance commandait, tout le reste ne fut que farce, parade, contre-sens et contre-bon-sens. On dirait que le pouvoir rend stupides les gens d’esprit. Le Gouvernement provisoire n’est pas le seul, depuis février, qui en ait fait l’expérience.

Si les circulaires de Ledru-Roliin, si les 45 centimes de Garnier-Pagès furent des fautes en politique et en finance, ce qu’à toute force on pourrait encore contester, ces fautes-là du moins avaient un sens, une intention, une portée. On savait ce que voulaient ou ne voulaient pas leurs auteurs ; ils n’étaient ni plats ni absurdes. Mais que dire de ces proclamations aussi oiseuses que puériles, où le Gouvernement provisoire annonçait la mise en jugement de M. Guizot et de ses collègues, abolissait les titres de noblesse, déliait les fonctionnaires de leurs serments, changeait la disposition des couleurs sur le drapeau tricolore, effaçait les noms monarchiques des monuments, et leur en donnait