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sité de réagir contre des hommes qui, tout en posant leur compétition, ne faisaient qu’exprimer sa propre pensée : car toute réaction est regrettable. Mais m’accordera-t-on que si la République n’a tenu aucune de ses promesses ; si le socialisme est resté à l’état d’utopie, la cause pourrait bien n’être pas toute dans l’incapacité du Gouvernement provisoire et les intrigues bourgeoises ? La cause, elle est à tous ceux qui auraient voulu réaliser la révolution par voie gouvernementale, avant de l’avoir fait entrer dans la conscience publique, et qui, pour exécuter cette chimérique entreprise, ont soulevé la méfiance du pays en retardant d’un jour, d’une heure, l’exercice du suffrage universel.


VIII.


16 AVRIL :


RÉACTION DE LEDRU-ROLLIN.


La démocratie gouvernementale, trompée dans ses espérances par ses propres coryphées, pouvait désormais se regarder comme éliminée. Il n’y avait plus de risque qu’elle reprît le dessus. La scission était consommée : le parti démagogique et social avait maintenant sa droite et sa gauche, ses modérés et ses ultras. Les nouveaux jacobins imposaient silence aux nouveaux cordeliers. Le pays était en éveil ; la bourgeoisie n’avait plus qu’à se tenir prête, et à se jeter comme appoint du côté qui inclinerait vers elle, au premier symptôme de contradiction.

Il ne fallait pas s’attendre, en effet, que l’opinion si hautement professée par Louis Blanc et ses amis, et qui a tant de racines en France, passât sitôt et se tînt pour battue ; d’autant plus que les événements de chaque jour, et la mesquinerie des actes du Gouvernement provisoire ne cessaient de l’aviver. Ce qu’on se flattait d’avoir seulement réprimé