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N’y avait-il que les corporations du Luxembourg qui fussent dignes de représenter le peuple ?) et que ceux qui se présentaient comme députés par la multitude, ne l’étaient pas tous réellement, ou au moins au même titre. Il y avait des hommes impatients de renverser au profit de l’opinion représentée par Ledru-Rollin, Flocon, Albert et moi, ceux des membres du Gouvernement provisoire qui représentaient une opinion contraire. »

L’aveu est décent, mais naïf. La dictature est bonne, tant que Louis Blanc l’espère pour lui-même ; dès que paraît Blanqui, Blanqui suspect d’aspirer aussi à la dictature, Louis Blanc n’en veut plus. Il revient à ses habitudes, il est doctrinaire ! Quelle politique, que celle qui varie ainsi au gré des considérations personnelles ! Mais voyons la fin.

Comme il est d’usage en pareille circonstance, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Lamartine amusent le peuple par des discours ; Sobrier, Gabet, Barbès et d’autres, prennent parti pour le Gouvernement provisoire contre Flotte, Huber, Blanqui et consorts. Des voix menaçantes demandent une réponse positive : on leur répond que le Gouvernement ne peut agir si on ne le laisse délibérer. Un homme s’élance vers Louis Blanc, et lui saisissant le bras : Tu est donc un traître, toi aussi ! lui dit-il. « En pensant à cette injustice des passions, dit Louis Blanc, je ne pus me défendre d’un sourire amer, et ce fut tout. » Enfin, les membres du Gouvernement se montrent au balcon, et la comédie finit par un défilé.

« Telle fut, ajoute Louis Blanc, cette journée du 17 mars, la plus grande peut-être de toutes les journées historiques dans la mémoire des hommes !... »

MM. Ledru-Rollin, Crémieux et Lamartine ont eu le droit de dire que le 17 mars fut une belle journée, et d’en revendiquer l’honneur. Eux ne voulaient pas de la dictature, et ce jour-là la France fut peut-être sauvée des dicta-