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ques-unes !... La pensée de la manifestation était donc triple : les uns, et c’était le plus grand nombre, entendaient seulement donner un appui moral au Gouvernement provisoire ; les autres demandaient l’ajournement des élections ; les derniers, enfin, voulaient une épuration. Au reste, voici comment Louis Blanc, témoin et acteur dans ce drame, rend compte de l’événement :

« À peine sorti de l’acclamation populaire, le Gouvernement provisoire avait eu à se demander comment il se définirait lui-même. Se considérerait-il comme une autorité DICTATORIALE, consacrée par une révolution devenue nécessaire, et n’ayant à rendre ses comptes au suffrage universel qu’après avoir fait tout le bien qui était à faire ? Bornerait-il au contraire sa mission à convoquer immédiatement l’Assemblée nationale, en se renfermant dans les mesures d’urgence, dans des actes d’administration d’une portée secondaire ?

« Le conseil se rangea à ce dernier avis.

« Pour moi, j’avais une opinion entièrement opposée à celle qui prévalut, et je regardais l’adoption de l’autre parti comme devant exercer la plus heureuse influence sur les destinées de la République nouvelle.

« Considérant donc l’état d’ignorance profonde et d’asservissement moral où les campagnes en France vivent plongées, l’immensité des ressources que ménage aux ennemis du progrès la possession exclusive de tous les moyens d’influence et de toutes les avenues de la richesse, tant de germes impurs déposés au fond de la société par un demi-siècle de corruption impériale ou monarchique, enfin la supériorité numérique du peuple ignorant des campagnes sur le peuple éclairé des villes, je pensais :

« Que nous aurions dû reculer le plus loin possible le moment des élections ;

« Qu’il nous était commandé de prendre, dans l’inter-