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cœur, ces parangons de vertu et d’honneur, ces politiques à principes ; quand ils l’accusaient de faire le jésuite et d’être athée ; de parler tour à tour conservation et révolution ; de s’encanailler avec la roture, et de caresser les nobles ; de livrer l’enfance aux ignorantins, et de laisser la jeunesse des collèges sans foi ; de conspirer avec les rois et de s’être fait exclure de la Sainte-Alliance ?

Ne pouvait-ils leur répondre :

Les contradictions de ma politique en sont la justification. Qu’est-ce que Dieu, d’après vous, mes maîtres ? un mot ; — le peuple ? un esclave ; — la royauté ? une ruine ; — la Charte ? une négation ; — la Révolution ? une momie. Qu’êtes-vous vous mêmes ? des sépulcres recrépis. Hypocrites, vous me livrez au mépris et à la haine, parce j’ai dévoilé votre secret ! Ah ! vous pleurez votre religion perdue ! pourquoi donc avez-vous chassé Charles X ? Vous pleurez votre gloire flétrie ! Pourquoi avez-vous trahi l’Empereur ? Vous pleurez votre vertu républicaine ! Pourquoi avez-vous égorgé Condorcet, Roland, Vergniaud, Danton, Desmoulins ? Vous gémissez sur votre monarchie humiliée, jadis si noble et si populaire ! Pourquoi avez-vous détrôné Louis XVI ? pourquoi, après l’avoir détrôné, l’avez-vous lâchement condamné à mort, à la majorité de cinq voix ? Vous me reprochez de ne rien faire pour le peuple ! Pourquoi avez-vous fusillé Babœuf ?… Doctrinaires sans pudeur, malthusiens égoïstes, bourgeois ingrats ! Vous accusez la corruption de mon règne, et vous m’avez fait trôner sur le fumier ! Il ne vous reste plus qu’à vous étrangler vous-mêmes en ma personne. Achevez votre ouvrage, mais auparavant sachez qui vous êtes, et vous connaîtrez qui je suis.

On a dit que la Révolution de février avait été la Révolution du mépris : cela est vrai ; mais qui ne voit que là est précisément le secret de la merveilleuse destinée de Louis-Philippe ?