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en Juillet que la milice de la bourgeoisie. Celle-ci seule avait préparé pendant quinze ans et organisé la victoire ; à elle seule appartenait de disposer de la victoire. Que parle-t-on ici du suffrage populaire ? Si l’on avait consulté le peuple sur le choix du prince, dès lors qu’après avoir changé le principe de la Charte on en conservait la forme, il est clair que le peuple, pour qui la forme emporte le fond, eût choisi Henri V. Tout autre candidat eût été à ses yeux illégitime. Mais les choses ne se pouvaient passer ainsi : ce n’était pas seulement la Charte de 1814 qu’on avait à venger, c’était un principe nouveau qu’il s’agissait de faire représenter au pouvoir ; et ceux-là seuls qui avaient inauguré le principe avaient qualité pour en choisir le représentant. Le peuple ne pouvait être consulté dans cette affaire, et ce fut un bonheur pour la Révolution. C’était une nécessité que le gouvernement des intérêts parût à son tour : or jamais le peuple n’eût consenti à prendre le veau d’or pour son Dieu ; jamais dans le proxénète des malthusiens, les féaux de la légitimité n’eussent reconnu leur roi. Louis-Philippe était le seul homme qui pût accepter le fardeau des iniquités de Juillet : ou il faut nier la légitimité des glorieuses ; ou bien, si l’on accepte la transition, il faut admettre la légitimité du roi bourgeois.

Quant à la politique de Louis-Philippe, à la pensée du règne, il est encore plus facile de la justifier. Négligez les détails, et ne vous occupez, comme l’enseigne M. Guizot, que des faits essentiels, de ceux qui constituent la grande politique.

Quelle fin se proposait la bourgeoisie en 1830, lorsqu’elle établit, dans sa vérité, le régime constitutionnel, objet de ses vœux depuis un demi-siècle ? cherchez bien, et vous verrez que, derrière cette forme politique, nécessaire comme transition aux destinées de la France, la bourgeoisie n’a rien voulu, rien prévu ; vous verrez que la Charte n’a été pour elle qu’une grande négation.