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voit les nations, abandonnées à leur instinct providentiel, errer au hasard dans le labyrinthe de leurs utopies. Toutes les haines se sont coalisées contre ce règne mémorable, tous les outrages lui ont été prodigués. J’essayerai de rétablir les faits sous leur véritable jour et de venger l’homme qui fut sur le trône, après Bonaparte, l’instrument le plus actif et le plus intelligent de la Révolution.

Le principe du gouvernement de Juillet, fondé par et pour la classe moyenne, était donc la propriété, le capital. Sous une forme monarchique, l’essence de ce gouvernement était la bancocratie. C’est ce qu’a exprimé le plus spirituel des écrivains socialistes, M. Toussenel, dans le titre de son curieux ouvrage : Les Juifs, rois de l’époque.

Tout gouvernement tend à développer son principe ; celui de Juillet ne pouvait faillir à cette loi. Le législateur de 1830, le Capital, avait dit, comme l’Isis égyptienne : « Je suis tout ce qui est, tout ce qui fut, tout ce qui sera. Rien n’existe que par moi, et nul n’a jusqu’ici levé mon voile. » Fidèle à son origine, rapportant tout à son principe, le gouvernement se mit donc à ronger et s’assimiler ce qui restait des institutions, des idées d’autrefois. Ce fut la tâche de Louis-Philippe, dont le génie, franc de scrupules, accomplit cette œuvre de dissolution, prélude de la grande palingénésie du xixe siècle.

Attaqué à la fois dans son origine, dans sa politique, dans sa moralité, le gouvernement de Louis-Philippe a épuisé la haine et le mépris du peuple. Et cependant, l’équitable histoire dira que jamais règne ne fut mieux rempli, par conséquent plus légitime, plus irréprochable que celui de Louis-Philippe.

Et d’abord, Louis-Philippe est le véritable représentant de Juillet. Qui avait fait les trois journées ? — Le peuple, disent les républicains. — Oui, comme les soldats de Bonaparte avaient fait Marengo. Les masses populaires ne furent