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avancer les révolutions, n’ont jamais su que les faire rétrograder. Examinons de près la pensée de M. de Girardin.

Il plait à cet ingénieux publiciste d’appeler la révolution par l’initiative, par l’intelligence, le progrès et les idées, révolution par en haut ; il lui plaît d’appeler la révolution par l’insurrection et le désespoir, révolution par en bas, c’est juste le contraire qui est vrai.

Par en haut, dans la pensée de l’auteur que je cite, signifie évidemment le pouvoir ; par en bas, signifie le peuple. D’un côté l’action du gouvernement, de l’autre l’initiative des masses.

Il s’agit donc de savoir laquelle de ces deux initiatives, celle du gouvernement ou celle du peuple, est la plus intelligente, la plus progressive, la plus pacifique.

Or, la révolution par en haut, c’est inévitablement, j’en dirai plus tard la raison, la révolution par le bon plaisir du prince, par l’arbitraire d’un ministre, par les tâtonnements d’une assemblée, par la violence d’un club ; c’est la révolution par la dictature et le despotisme.

Ainsi l’ont pratiquée Louis XIV, Robespierre, Napoléon, Charles X ; ainsi la veulent MM. Guizot, Louis Blanc, Léon Faucher. Les blancs, les bleus, les rouges, tous sur ce point sont d’accord.

La révolution par l’initiative des masses, c’est la révolution par le concert des citoyens, par l’expérience des travailleurs, par le progrès et la diffusion des lumières, la révolution par la liberté. Condorcet, Turgot, Danton, cherchaient la révolution par en bas, la vraie démocratie. Un des hommes qui révolutionna le plus, et qui gouverna le moins, fut saint Louis. La France, au temps de saint Louis, s’était faite elle-même ; elle avait produit, comme une vigne pousse ses bourgeons, ses seigneurs et ses vassaux : quand le roi publia son fameux règlement, il n’était que l’enregistreur des volontés publiques.