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V.


Tradition jacobine.

Je sais bien que, les doctrinaires de la République renversés, leurs rivaux et successeurs immédiats, dans l’ordre des partis, les jacobins, se font forts de ramener la stabilité dans le pouvoir et dans l’opinion ; d’opposer une barrière insurmontable à l’anarchie, à l’athéisme, au partage des biens, etc. , etc. Le jacobinisme est bien vu du peuple : et qu’y a-t-il de plus gouvernemental, de plus dévot, de plus opposé à l’agrariat, à la démocratisation du capital, que le jacobinisme ? Sur tous ces points, il a fait ses preuves.

Le jacobinisme, voilà donc le dernier espoir de l’autorité. La queue de Robespierre, voilà la corde d’amarre qui doit retenir le vaisseau de la civilisation dans le port de la Religion, du Gouvernement et de la Propriété !...

Voyons donc ce que peut communiquer encore de vitalité au régime politique la tradition jacobine ; voyons si ce parti, qui est parvenu , en 93 et 94, tout en mourant à la peine, à entraver la révolution et à faire revivre le système constitutionnel, est en mesure de donner une seconde fois le change aux masses, et de faire accepter, sous des harangues révolutionnaires, une politique de résistance.

J’ai défini le jacobinisme, une variété du doctrinarisme. C’est la doctrine, transportée de la Bourgeoisie au Peuple ; le juste-milieu à l’usage des classes inférieures ; une sorte de sans-culottisme honnête et modéré, substitué à l’honnêteté et à la modération bourgeoise. Du reste, même esprit gouvernemental, mais plus accusé ; même prépondérance de l’État, mais plus énergique ; même respect des fictions représentatives, mais élevé jusqu’au fétichisme. Le jacobin répugne moins à la dictature que le girondin : par là il se rapproche davantage de la royauté.

Le triomphe du jacobinisme se conçoit en 93. À cette