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tion. Hommes de la classe moyenne, génération de 89 et de 1830, êtes-vous prêts à lui faire ce sacrifice ?

Se jeter dans le protestantisme ? — Mais une protestation religieuse est un acte de foi, je dirais presque que c’est une révélation. Les nations qui au xvie siècle suivirent Luther, étaient plus croyantes que celles qui restèrent unies au pape : sans cela elles n’eussent point embrassé la Réforme. Or, je vous le demande : qu’est-ce que le Peuple d’aujourd’hui croit du catholicisme, pour qu’il songe à réformer le reste ?... Il y a longtemps qu’on l’a dit : Nous n’avons plus assez de religion pour nous faire protestants.

Et qui ne voit qu’au point où nous sommes parvenus, la protestation serait de notre part une contradiction ? Comment ? il n’y a plus de religion de l’État ; et il y aurait, en matière de foi, une protestation de l’État ! L’État, qui est athée puisqu’il admet tous les cultes, l’État définirait un nouveau pouvoir spirituel, pour l’opposer au pouvoir spirituel du pape ! Il choisirait entre Athanase Coquerel, Michel Vintras, Enfantin, Pierre Leroux, en haine du père Roothau et de Jean Mastaï ! Non, non : notre tradition est faite, notre ligne tracée.

Au nom de la liberté de penser, qui est la liberté de croire, point d’église, point de culte, point de propriétés cléricales, point de budget ecclésiastique. Séparation, opposition absolue entre l’enseignement scientifique et l’instruction religieuse, comme il se pratique chez nos voisins les Hollandais ; et en moins d’une génération, le Peuple, élevé à la hauteur du siècle, aura prononcé son Abrenuntio. Il aura compris que l’indifférence en matière de foi religieuse est une trahison à la foi sociale ; et, en se prononçant contre le catholicisme, il répudiera toute espèce de religion, parce qu’après le catholicisme il n’y a plus de religion possible.