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et l’abolition du gouvernement spirituel et temporel des papes, déclarant toute religion positive non seulement fausse, mais hostile à la science, à la liberté, au progrès et à la morale.

La scission est donc nettement accusée. Après 62 ans de transactions, de ménagements, de tolérances, de fictions légales, la France en est venue, par respect d’elle-même et par amour de l’Humanité, à renier petit à petit sa foi et son Dieu. Quel nouvel accommodement, en effet, quel biais serait encore possible ?

Rompre avec Rome et se retrancher dans le gallicanisme, comme le veut M. Dupin ?

C’est impraticable. D’abord, l’église gallicane n’existe plus que de nom. Tandis que nous poursuivons le cours de nos révolutions, gallicans et ultramontains se sont rapprochés, ils sont unis. Le clergé français, en immense majorité, appartient à Rome et aux jésuites. Les pires de nos prêtres sont peut-être encore ceux qui affectent un esprit de conciliation et une apparence de philosophie. Le clergé n’est occupé que d’une chose, anéantir peu à peu les effets de la Constitution civile et du Concordat, en rétablissant les couvents, s’emparant des écoles, captant les successions, accumulant donations, legs, offrandes, souscriptions, etc., et rentrant ainsi, par le commerce pie et les dons volontaires, dans ses propriétés. On évalue à plus de 300 millions les biens réacquis par le clergé. Or, ces biens, ce n’est certes pas pour les exploiter qu’il les veut, ni pour y établir des compagnies ouvrières ; c’est pour s’en faire des rentes : rentes et dîmes, c’est la même chose ! Le clergé sait, à l’heure qu’il est, que le temporel et le spirituel sont inséparables ; que tôt ou tard l’un des deux doit emporter l’autre : il ne lui suffit plus de diriger les consciences, il veut régner sur les intérêts. Gallicane ou ultramontaine, l’Église aspire, elle le dit hautement, à dompter la révolu-