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sécularisation du clergé et l’indifférence en matière de religion. Comme théologien, et même comme philosophe, M. de Lamennais avait cent fois raison : il fallait être l’un ou l’autre, chrétien ou athée. Mais M. de Lamennais avait affaire à trop forte partie : sa dialectique ne convertit personne. Le royaume, tout en demeurant très chrétien, ne voulait pas plus de l’autorité du pape que de la dîme ; et le peuple, moitié libertin, moitié croyant, entendait vivre à sa guise. Le zèle, tout-à-fait moyen-âge, du prédicateur, fit rire ; l’indifférence s’accrut ; lui-même en fut atteint !... S’il est un homme qui, interrogé sur sa religion, soit aujourd’hui embarrassé de répondre, c’est l’abbé de Lamennais.

De 1820 à 1825, ce fut le beau temps des missions, dignement couronnées, en 1826, par un jubilé. Il fut un moment où le peuple en masse courait au confessionnal, à la table de communion, comme plus tard, en 1848, on le vit se précipiter au scrutin. Quel fut le résultat de cette ferveur ? Après avoir soutiré, par cette excitation factice, le peu qui restait de sentiment religieux dans les âmes, le clergé finit par obtenir, en 1828, pour prix de ses peines, quoi ? l’expulsion définitive des jésuites ! Un vieux péché, contre l’Église et contre le Saint-Siége, que l’État très chrétien venait aggraver, sous le contre-seing d’un prélat ! En 1829, il m’en souvient comme d’hier, ceux que j’avais vus faire leur mission, porter la croix, étaler leur zèle, n’allaient plus même à la messe ; les jolies choristes, mariées ou promises, désertaient les vêpres pour le spectacle.

1830 arrive, qui porte une nouvelle atteinte à la considération du culte. Plus de religion de l’État ; le catholicisme disparaît de l’armée, par la suppression des aumôniers ; dans les collèges, l’instruction religieuse n’est qu’une pratique extérieure, ennuyeuse, surérogatoire, conservée par égard pour les grands parents, et méprisée de la jeunesse. À partir de cette époque, les symptômes de décadence se multi-