Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la modification incessante des forces économiques. Entre ces deux définitions de la propriété, il y a l’infini.

C’est dans le même esprit qu’ont été rendues les lois sur le taux de l’intérêt, les concessions de mines et chemins de fer, les brevets d’invention, la propriété littéraire, le travail des enfants dans les manufactures, etc., etc. Lois de tâtonnement, sans doute, mais qui n’en témoignent pas moins d’un remarquable esprit de tempérance, et d’une ferme volonté d’arracher l’économie sociale à la féodalité qui l’envahit et à l’anarchie qui la déshonore.

Tel est donc le problème que le progrès des siècles nous commande de résoudre, non plus par de vaines formules de gouvernement et d’insuffisantes transactions, mais par une exacte discipline des forces industrielles : Conserver, régulariser, rendre de plus en plus fécond et confortable l’égalité des fortunes, en créant, par un effort de génie, ce dont l’histoire de l’humanité n’offre aucun exemple et que la science seule peut donner, l’équilibre économique. N’est-ce pas, en ce qui concerne le bien-être, l’organisation du juste-milieu, qui doit satisfaire à toute ambition légitime et tuer l’envie ; n’est-ce pas l’apothéose de la classe moyenne ? Problème décisif, qui marque la virilité des nations, et ne pouvait se présenter qu’une seule fois dans le cours des siècles, parce que la solution embrassant tout le progrès possible, ne peut être qu’absolue et éternelle.

Mais, avant que cette situation extraordinaire soit comprise, avant que la question pénètre les intelligences, et que la solution théorique et pratique se fasse admettre, que de contradictions encore et de déchirements ! que d’incertitudes et de douleurs ! La France, obligée pour conserver ses mœurs domestiques de lutter contre sa routine nationale, d’abjurer sa vieille politique et ses idées officielles, la France peut dire avec le poète :

...............................Mon Dieu ! quelle guerre cruelle !
...............................Je trouve deux hommes en moi....