sentimentale, pouvant servir ad libitum à motiver une insurrection et un coup d’État, un certificat de civisme et un titre de proscription. C’est par là que M. Royer-Collard, une si haute intelligence, M. Cousin, M. Jouffroy, n’ont été que de quasi-philosophes ; M. Decaze, M. Guizot, M. Thiers, de quasi-hommes d’État ; MM. Considérant et Enfantin, de quasi-réformateurs, comme Pétion et Robespierre n’avaient été que de quasi-républicains.
Telle est aussi la cause des revers qu’a essuyés depuis quatre ans la Démocratie.
Pourquoi la Révolution démocratique et sociale n’a-t-elle pu s’introduire dans la société et dans le pouvoir après les journées de février ? si ce n’est parce que le parti démocratique, alors régnant, lui a barré le passage ; parce que la nation tout entière, égarée par ce parti, s’est mise à désavouer la Révolution avec toutes ses conséquences, prochaines et éloignées.
Pourquoi l’émancipation allemande, commencée au Parlement de Francfort, n’a-t-elle pu aboutir ? si ce n’est encore parce que l’Allemagne a cru à l’initiative française ; parce qu’elle a pensé, sur la foi de nos exemples, que la liberté d’un grand peuple ne pouvait être mieux garantie que par une centralisation politique et une Constitution. Le vieux despotisme germanique a balayé cet imbroglio soi-disant unitaire; il a bien fait. Ce n’est plus au xixe siècle que le progrès peut s’exprimer par une constitutionnalité quelconque, gouvernement prétendu des classes moyennes, qui n’a été jusqu’ici que le gouvernement des médiocrités. La société est comme la poësie : la médiocrité lui est mortelle. L’abaissement continu, tant reproché à Louis-Philippe, n’a pas eu d’autre cause que cette fantasmagorie de gouvernement des classes moyennes, servant à déguiser la prépotence des esprits indécis et des hommes médiocres.