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appelait à la Constitution, et la Gironde qui en appelait à la légalité, et qu’en foulant aux pieds la Constitution et la légalité, ils sauvèrent la Révolution ?... Laissez donc aussi la légalité périr, la Constitution se déshonorer, la réaction s’enferrer, et les révolutionnaires faire leur besogne !...

En vérité, si les journaux dont je parle, et dont la passion a fini par prévaloir, avaient entrepris sérieusement de justifier, par la nécessité révolutionnaire, leur inconstitutionnalisme systématique, le public aurait su alors de quoi il s’agissait ; la Révolution discutant au grand jour ses moyens, le peuple se fût prononcé en connaissance de cause. Alors, soutenue ou condamnée par le peuple, la démocratie aurait vaincu le 13 juin, ou la manifestation n’aurait pas eu lieu.

Mais le parti populaire, conduit par une influence malheureuse, ne fut point éclairé sur la route qu’on lui faisait prendre. Soit ignorance de la question, soit défaut de franchise, la presse démocratique, un instant réunie contre le Peuple, se tenait dans un vague déplorable. À cette question, posée carrément, si, dans le cas où le parti démocratique et social serait appelé aux affaires, on devrait respecter ou abroger la Constitution, la Démocratie pacifique répondait par un faux-fuyant délayé en dix colonnes : elle s’en référait, disait-elle, à l’omnipotence du peuple. Pour les uns, des haines à satisfaire, le socialisme à éliminer, la dictature à établir ; — ils l’ont avoué ! ils l’ont imprimé ! — pour les autres, des utopies à expérimenter, la fortune publique à manipuler, la nation à conduire, in flagello et virgâ, comme un troupeau, voilà ce que dissimulaient à peine, sous les plus honteuses réticences, nos malheureux adversaires.

Certes, le Peuple savait ce qu’il faisait, et où il voulait aller, lorsque après le succès inespéré des élections il exprima la nécessité pour le socialisme de se poser comme