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événements et la malheureuse journée du 13 juin n’étaient venues interrompre nos travaux.

Posons nettement la question.

Le socialisme, négation du capital et de l’autorité, devait-il, après les élections de mai, procéder vis-à-vis du gouvernement et du pays comme opinion extraparlementaire, ne prendre part aux travaux de l’Assemblée qu’afin de précipiter la chute d’un pouvoir réactionnaire et d’une Constitution imparfaite ; ou bien, parti d’ordre et de progrès, s’appuyant sur la Constitution, prenant en main sa défense, déclarer que son intention, pour le présent et pour l’avenir, était de procurer le triomphe de la Révolution exclusivement par les voies légales.

En deux mots, le socialisme, dans l’éventualité de son avènement au ministère, devait-il se poser dans la légalité et dans la Constitution, ou dans la Dictature ?

La question était assurément des plus graves. Elle méritait d’être examinée, approfondie, traitée avec d’autant plus de prudence, qu’elle donnait lieu, au point de vue politique aussi bien qu’au point de vue économique, à des considérations du plus haut intérêt.

Si les organes de la démocratie socialiste avaient seulement compris de quoi il s’agissait, s’ils avaient saisi le côté brillant et original de la thèse qu’ils soutinrent, avec plus ou moins d’équivoque, contre le Peuple, ils auraient pu nous dire, sans imprécation et sans injure :

Prenez garde ! Vous parlez de légalité et de Constitution, comme si, en temps révolutionnaire, devant une réaction qui marche le front levé, la légalité n’était pas le suicide ; comme si une société qui se transforme n’avait pas à dompter par la force les éléments contraires, avant de les organiser par le droit. Ne sommes-nous donc pas aujourd’hui dans les mêmes conditions que nos pères en 1792, lorsqu’ils renversèrent tour à tour, et la monarchie qui en