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Louis Bonaparte s’arrachait les entrailles ; approuver, louer même les démonstrations éloquentes du ministère Barrot-Falloux-Faucher, ou, ce qui revenait absolument au même, les dénoncer de telle sorte, que ses amis y trouvassent sans cesse de nouveaux motifs de persistance.

Dès avant février, j’avais prévu ce qui arrivait. Personne ne fut jamais mieux préparé pour une lutte de sangfroid. Mais telle est l’ardeur des discussions politiques, que le plus sage y est toujours emporté par la passion. Quand il me suffisait, pour vaincre, de la seule raison, je me jetai avec une sorte de fureur dans l’arène. Les injustes attaques dont j’avais été l’objet de la part de quelques hommes du parti de la Montagne m’avaient blessé ; l’élection de Louis Bonaparte, injurieuse, suivant moi, pour le parti républicain, me pesait. J’étais comme le peuple, quand l’aiguillon de la tyrannie le touche, et qu’il se soulève en mugissant contre ses maîtres. La vérité et la justice de notre cause, au lieu de calmer mon zèle, ne servaient qu’à l’attiser : tant il est vrai que les hommes qui font le plus d’usage de leur entendement sont souvent les plus indomptables dans leurs passions. Je me suis abîmé d’études, j’ai abruti mon âme à force de méditations : je n’ai réussi qu’à enflammer davantage mon irascibilité. À peine relevé d’une maladie grave, je déclarai la guerre au Président de la République. J’allais livrer bataille au lion : je n’étais pas même un moucheron.

Je l’avoue, à présent qu’il m’est permis de mieux juger les faits : cette agression immodérée de ma part envers le chef de l’État était injuste.

Dès le premier jour de son entrée en fonctions, le gouvernement présidentiel, fidèle à l’ordre qui lui avait été donné d’en haut, préludait à l’extinction du principe d’autorité, en soulevant le conflit entre les pouvoirs. Pouvais-je mieux attendre que les sommations de M. Odilon Barrot à