Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre part dans l’histoire depuis juillet 1847 jusqu’à septembre 1849.

Nous ne cessons d’accuser, et moi le premier, injuste ! le Gouvernement de Louis Bonaparte. Ainsi nous accusions Louis-Philippe. Le gouvernement du 10 décembre ! Il pouvait devenir pour nous un instrument de résurrection : l’ambition de Louis Bonaparte n’a pas des vues si hautes. Il n’existe que pour mettre le scellé sur la chambre mortuaire : laissez-le remplir sa fonction de croque-mort. Après la tâche horrible et sans seconde de la royauté de juillet, le devoir de la présidence est de vous déposer dans votre charnier. Louis-Philippe fut, par le pouvoir, le dévastateur de la société ; Louis-Bonaparte sera le démolisseur de ce qu’avait laissé Louis-Philippe, le pouvoir. Lui-même, en s’alliant au catholicisme, a borné là sa tâche. Les circonstances qui ont accompagné son élection, la place qu’il occupe dans la série révolutionnaire, la politique que lui ont imposée ses parrains, l’usage qu’il a été conduit à faire de son autorité, la perspective ouverte devant lui : tout le pousse, tout le précipite. C’est la révolution elle-même qui a fait la leçon à Louis Bonaparte. N’a-t-il pas, comme Louis-Philippe, marié ensemble, pour les déshonorer l’un par l’autre, le jésuite et le doctrinaire ? n’a-t-il pas dit, dans son discours d’installation, qu’il continuerait la politique de Cavaignac, fils de régicide et néo-chrétien ?... En vérité, je vous le dis : le rôle du Président de la République était écrit au livre des destinées ; ce rôle, c’est de démoraliser le pouvoir, comme Carrier démoralisait le supplice.

Cette situation comprise, la marche que le socialisme avait à suivre était toute tracée. Il n’avait qu’à pousser à la démolition du pouvoir, en agissant, pour ainsi dire, de concert avec le pouvoir, et favorisant, par une opposition calculée, l’œuvre de Louis Bonaparte. Par cette tactique, la nécessité et la Providence se retrouvant d’accord, rien