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socialistes, ce n’est pas tout de nier, il faut affirmer : qu’est-ce donc que prétendait affirmer le pays en nommant Louis Bonaparte ? À quelle inspiration obéissait-il ? Quel principe entendait-il poser ? Était-ce une idée de réaction ? Cavaignac pouvait, tout aussi bien que le neveu de l’empereur, servir les réacteurs : il l’a prouvé en juin. Il avait de plus le mérite de ne faire ombrage ni aux Bourbons aînés, ni aux Bourbons cadets. C’était un simple président de république : on n’avait pas à redouter en lui le prétendant. Qu’est-ce qui avait pu décider le parti légitimiste, qu’est-ce qui avait déterminé le parti orléaniste, en faveur d’un Bonaparte ? Comment les chefs de ces deux partis, des hommes si habiles, ne voyaient-ils pas que si Louis Bonaparte s’attachait à la République et prenait en main la défense de la Constitution, tôt ou tard il se rallierait les républicains, et ferait contre les dynasties déchues tout ce qu’aurait pu faire Cavaignac, et mieux encore que Cavaignac ? Que si, au contraire, il suivait sa première inclination, s’il revenait à ses idées impériales, on avait en lui, pour quatre ans, un compétiteur de plus ? Quatre ans, lorsqu’il s’agit d’une couronne, c’est tout. Les légitimistes, les orléanistes, et toute la réaction, avaient donc raisonné aussi faux que les démocrates ; ils avaient trahi leurs principes, et manqué à toutes les lois de la prudence, en se ralliant à cette candidature qui excluait l’espoir de leurs dynasties. Seul, avec les républicains de la gauche qui votaient pour Cavaignac, avec le petit nombre de socialistes ralliés au nom de Raspail, le Peuple était dans la bonne voie, dans la voie de la logique et de la fidélité à la République. C’est pour cela que j’ai combattu de toutes mes forces la candidature de Louis-Napoléon : je croyais faire opposition à l’Empire, tandis que, malheureux ! je faisais obstacle à la Révolution. Je voulais embarrer le charriot d’Ezéchiel, forcer la main à Celui qui règne dans les cieux et qui gou-