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XVI.


10 DÉCEMBRE :


LOUIS BONAPARTE.


Il ne faut pas vouloir tout expliquer en histoire : ce serait une prétention aussi pleine de périls que dépourvue de philosophie. La sagesse a ses limites, disait l’apôtre, au delà desquelles le raisonnement et la raison ne sont plus que vanité et affliction d’esprit. Toutefois il est des faits qui, au premier coup d’œil, offrent l’apparence d’accidents inexplicables, à mettre seulement sur le compte de la fortune, mais dont, avec une recherche persévérante, on finit par trouver la raison. L’élection du 10 décembre est de ce nombre.

J’ai cherché, pendant plus de six mois, non pas la cause, personne ne l’ignore ; mais le sens philosophique de l’élection de Louis Bonaparte à la présidence de la République, de cette élection qui a si fort réjoui les uns, qui a tant scandalisé les autres, et dont tout le monde s’est à bon droit émerveillé. Louis Bonaparte président de la République ! c’était bien là le fait arbitraire contre lequel se raidit une raison tant soit peu rigoureuse, parce qu’elle n’y trouve ni motif ni prétexte. Tous les événements accomplis depuis février tombaient sous la loi historique : celui-là seul y échappait. Ce n’était plus une évolution réelle, rationnelle : c’était une création du bon plaisir électoral, une légende, un mythe, dont le Moniteur rapportait le commencement, le milieu et la fin, mais dont il m’était défendu d’assigner la raison intelligible, de faire la déduction logique, en un mot d’expliquer le sens. Les décrets de la Providence ne se discutent pas : on ne raisonne point avec Dieu.

Il ne m’a pas moins fallu, pour trouver le mot de cette énigme, que le témoignage de Louis Bonaparte lui-même...