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protège le travail indigène et lui garantit le marché national, est la douane.

Je n’entends en aucune façon préjuger ici la moralité ou l’immoralité, l’utilité ou l’inutilité de la douane : je la prends telle que la société me l’offre, et je me borne à l’examiner au point de vue de la constitution des pouvoirs. Plus tard, quand de la question politique et sociale nous passerons à la question purement économique, nous chercherons au problème de la balance du commerce une solution qui lui soit propre, nous verrons si la production indigène peut être protégée sans qu’il lui en coûte ni droit ni surveillance, en un mot sans douane.

La douane, par cela seul qu’elle existe, est une fonction centralisée : son origine, comme son action, exclut toute idée de morcellement. Mais comment se fait-il que cette fonction, qui est spécialement du ressort des commerçants et industriels, qui devrait ressortir exclusivement de l’autorité des chambres de commerce, soit encore une dépendance de l’État ?

La France entretient, pour la protection de son industrie, une armée de plus de 40,000 douaniers, tous armés de fusils et de sabres, coûtant au pays, chaque année, une somme de 26 millions. Cette armée a pour mission, en même temps que de donner la chasse aux contrebandiers, de percevoir, sur les marchandises d’importation et d’exportation, une taxe de 100 à 110 millions.

Or, qui peut mieux savoir que l’industrie elle-même en quoi et de combien elle a besoin d’être protégée, quelle doit être la compensation à prélever, quels produits méritent primes et encouragements ? Et quant au service même de la douane, n’est-il pas évident que c’est aux intéressés à en calculer la dépense, non au pouvoir à s’en faire une source d’émoluments pour ses créatures, comme il se fait du droit différentiel un revenu pour ses profusions ?