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curés ; que le peuple appartient au magistrat comme un héritage ; que le plaideur est au juge, non le juge au plaideur.

Appliquez le suffrage universel et l’élection graduée aux fonctions judiciaires comme aux fonctions ecclésiastiques ; supprimez l’inamovibilité, qui est l’aliénation du droit électoral ; ôtez à l’État toute action, toute influence sur l’ordre judiciaire ; que cet ordre, centralisé en lui-même et à part, ne relève plus que du peuple : et d’abord, vous aurez ravi au pouvoir son plus puissant instrument de tyrannie ; vous aurez fait de la justice un principe de liberté autant que d’ordre. Et, à moins de supposer que le peuple, de qui doivent émaner, par le suffrage universel, tous les pouvoirs, ne soit en contradiction avec lui-même, que ce qu’il veut dans la religion, il ne le veuille pas dans la justice, vous êtes assuré que la séparation du pouvoir ne peut engendrer aucun conflit ; vous pouvez hardiment poser en principe, que séparation et équilibre sont désormais synonymes.

Ainsi, par une séparation de pouvoirs et une centralisation sincères, le peuple obtient la haute main sur l’église et sur la justice ; les fonctionnaires de ces deux ordres relèvent, directement ou indirectement, de lui ; il n’obéit plus, il commande ; il n’est pas gouverné, il se gouverne.

Mais là ne s’arrêtent pas les conséquences d’une séparation et d’une centralisation bien faites. Il est, avons-nous dit, dans la société des fonctions artificielles, que la barbarie primitive a suggérées et rendues nécessaires, mais que la civilisation tend à faire disparaître, d’abord, par la pratique de la liberté, puis, par le progrès de la séparation elle-même. De ce nombre sont le culte et les tribunaux.

Si les opinions en matière de foi sont véritablement libres ; si par l’effet de cette liberté toutes les religions, nées ou à naître, sont déclarées égales devant la loi ; si par conséquent chaque citoyen est admis à nommer les ministres et à voter les frais de son culte sans être tenu de contribuer à