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au travail, est hors de la compétence du gouvernement. Ces deux principes, que la conscience universelle affirme, tiennent à un ordre d’idées tout-à-fait distinct, incompatible avec l’ordre politique dont la base est l’autorité, et la sanction la force. Il se peut, et quant à moi, je l’affirme, que le droit au travail, le droit à l’assistance, le droit à la propriété, etc., trouvent dans une autre Constitution leur réalité ; mais cette Constitution n’a rien de commun avec celle qui nous régit en ce moment ; elle lui est diamétralement opposée, et tout-à-fait antagonique.

J’ai contribué, sans l’avoir voulu, à faire rejeter de la Constitution le droit au travail, — et je ne regrette point d’avoir épargné à mes collègues, à mon pays, ce nouveau mensonge, — par une réponse que je fis à M. Thiers, au comité des finances. Donnez-moi le droit au travail, lui disais-je, et je vous abandonne le droit de propriété. Je voulais indiquer par là que le travail modifiant incessamment la propriété, et par suite la Constitution et l’exercice de l’autorité, la garantie du travail serait le signal d’une réforme complète des institutions. Mais ce ne fut pas ainsi qu’on prit la chose. Mes paroles furent regardées comme une menace à la propriété ; et je n’étais pas d’humeur à donner d’autres explications. Dès ce moment, les conservateurs se promirent que le travail serait protégé, mais non pas garanti : ce qui, à leur point de vue, semblait assez juste, puisqu’ils ne garantissaient pas davantage la propriété. Ils crurent faire merveille et épuiser les finesses de la tactique, en faisant passer, à défaut de travail, le droit à l’assistance, un non-sens à la place d’une impossibilité. N’aurais-je donc pas pu dire à ces aveugles : Eh ! donnez-moi le droit à l’assistance, et je vous abandonne le droit au travail ?... Alors, en haine du droit à l’assistance, devenue pour tous les esprits aussi périlleuse que le droit au travail, il aurait fallu se rabattre sur une autre garantie, ou ne rien