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nécures ? N’était-ce pas le monopole, la rente, la grande propriété, par conséquent l’exploitation de l’homme par l’homme, le prolétariat ? N’était-ce pas, enfin, la liberté dans l’ordre, comme dit Louis Blanc, la liberté entourée de piques et de flèches, et par conséquent l’omnipotence du soldat ? Tout le monde en voulait donc : les Phéniciens, les Anglais de ce temps-là, en jouissaient depuis longtemps ; comment le peuple juif, qui se disait lui aussi le Messie des nations, comme nous autres Français, Polonais, Hongrois et Cosaques, car il paraît que c’est une manie, nous avons la vanité de nous dire, serait-il demeuré en arrière de ses voisins ? En vérité, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, pas même le constitutionalisme, la christomanie et l’anglomanie.

Le grand ressort des constitutions politiques, c’est donc, ainsi que je le dis dans ma lettre au Moniteur, principalement la Séparation des pouvoirs, c’est-à-dire la distinction de deux natures, ni plus ni moins, dans le gouvernement, nature spirituelle et nature temporelle, ou, ce qui revient au même, nature législative et nature exécutive, comme en Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble : il est surprenant qu’au fond de notre politique, nous trouvions toujours la théologie.

Mais, dira-t-on, le peuple ne saurait-il absolument se passer de ce mécanisme ? Le peuple, qui fait les royautés et les sacerdoces, ne saurait-il, pour son gouvernement, se passer de tous deux, au lieu de les entretenir conjointement ? Et à supposer que pour les devoirs de son culte et la protection de ses intérêts, il ait besoin d’une double Autorité, quelle nécessité de subdiviser encore la temporelle ? À quoi bon une constitution ? Quelle peut être l’utilité de cette distinction de deux pouvoirs, avec leurs prérogatives, leurs conflits, leurs ambitions et tous leurs périls ? Ne suffit-il pas d’une Assemblée qui, expression des besoins du pays, fait