bition de ceux-là. À quoi sert, en effet, de se dire démocrate, si l’on n’est pas du parti du peuple ? Or, le parti populaire était maintenant le parti socialiste : ceux qui d’abord avaient méconnu la réalité du socialisme, songèrent dès-lors à s’en approprier la puissance.
J’arrive à une époque qui, dans cette merveilleuse légende, fut pour le Socialisme une véritable tentation de saint Antoine. Moins heureux ou moins avisé que le solitaire de la Thébaïde, il se laissa prendre aux charmes de la sirène : il lui en coûta cher, comme on verra.
J’ai dit que jusqu’en octobre 1848, sept mois après l’inauguration d’une république faite au nom des idées sociales, la fraction la plus avancée du parti démocratique, celle que représentaient, à l’Assemblée nationale, l’extrême gauche, et dans la presse, la Réforme, s’était tenue, à l’égard du Socialisme, dans une réserve extrême : elle n’avait pas fait son prononcement. Par cela même qu’elle préconisait Robespierre, elle n’acceptait point Babœuf. Ni l’éloquence et le gouvernementalisme de Louis Blanc, ni les manifestations réitérées du prolétariat n’avaient pu entraîner le néo-jacobinisme : depuis février, il ne considérait qu’avec inquiétude et méfiance ce que 94 lui avait appris à haïr, ce que pendant dix-huit ans il avait refusé de voir.
Un événement décisif pouvait seul le faire sortir de sa tradition et de son essence. Les élections du 17 septembre, le banquet du faubourg Poissonnière, déterminèrent ce mouvement. Le peuple, il n’était plus possible de le nier, allait au socialisme, abandonnait Robespierre : il fut décidé qu’on se déclarerait socialiste.
Mais, en adhérant au socialisme, dans quel inconnu se jetait-on ? quel serait le symbole du parti si brusquement transfiguré ? qui se chargerait de faire la profession de foi ? que changerait-on, qu’ajouterait-on aux idées anciennes ? quelle modification le parti apporterait-il à sa politique ?