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nance des intérêts. La mesure des transitions était abandonnée à la sagesse de l’Assemblée.

Il fut impossible aux économistes-financiers du comité d’y rien comprendre. Ils s’obstinaient à juger les affaires de la société sur les apparences des relations privées, ne concevant pas que les phénomènes économiques, vus de haut en bas, sont exactement l’inverse de ce qu’ils semblent, vus de bas en haut. — Vous ne nous ferez jamais comprendre, disait M. Thiers, comment plus le propriétaire abandonne de son revenu, plus il gagne, et comment plus le travailleur perd de son salaire, plus il s’enrichit ! — Sans doute, répondais-je ; tant que vous refuserez de faire la balance entre ce qu’il paie d’une main et ce qu’il a à recevoir de l’autre ! — On était décidé à nier, et l’on niait. On chicanait sur des chiffres, on ergotait sur le tiers et sur le quart, comme si, dans une proposition de cette nature, qui avait pour but d’introduire dans l’économie publique un nouveau principe, de donner à la société conscience de ses opérations au lieu de l’abandonner passivement à sa routine patriarcale, les chiffres n’avaient pas été la chose la moins essentielle. J’avais beau dire qu’il ne s’agissait là ni d’impôt sur le revenu ni d’impôt progressif ; qu’à mes yeux, l’impôt sur le revenu était ou un mensonge ou une chimère, et que c’était pour y échapper que je proposais une loi d’exception, par laquelle chacun devait faire, pendant trois ans, un léger sacrifice sur son salaire ou revenu, la situation générale étant sauvée et la fortune publique accrue, il serait facile d’aviser pour l’avenir. On m’accusait de prêcher le vol, on disait que je voulais prendre à la propriété le tiers de son revenu. Bref, ma proposition fut déclarée scandaleuse, immorale, absurde, attentatoire à la religion, à la famille et à la propriété. Et aujourd’hui encore, toutes les fois qu’il est question d’imposer le revenu, chose qui n’est jamais entrée dans ma cervelle, contre laquelle je n’ai jamais cessé de