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démocratie, Dieu et le diable. Il n’est pas même satisfait de lui !...

Heureux, trois fois heureux ceux qui peuvent être contents d’eux-mêmes ! J’ai eu la patience, six mois durant, d’écouter les financiers de l’Assemblée constituante déclamer contre le système d’organisation du travail par l’État ; je n’en ai pas vu un seul faire l’observation que je viens d’indiquer, et que j’avais présentée, dès le mois de mars, à mes aveugles coreligionnaires.

L’impatience me gagnant, je pris le parti de suspendre ma publication, et de résumer, dans un opuscule de quarante pages, mes idées sur le Crédit. C’est là que je proposai, pour la première fois, et d’une manière affirmative, d’opérer la Révolution par en bas, en faisant appel à la raison et à l’intérêt de chaque citoyen, et en ne demandant au pouvoir que la notoriété et l’impulsion que lui seul, aujourd’hui, est capable de donner à une idée. Au lieu de système, j’apportais une formule simple, pratique, légale, justifiée par mille exemples, à qui il ne manquait, pour faire son chemin, que d’être généralisée et mise en lumière.

Il est clair que je ne pouvais être compris. Mon projet n’était rien de moins qu’une déclaration de déchéance du pouvoir. Je proposais de créer un précédent qui, s’il réussissait, aurait eu pour conséquence de supprimer peu à peu toute la machine gouvernementale. L’État n’était plus rien, l’État, avec son armée de 500,000 hommes, avec ses 600,000 salariés, avec son budget de deux milliards ! C’était monstrueux, incroyable. La démagogie était au pouvoir, le socialisme lui-même y était représenté. Se pouvait-il qu’avec toutes les forces de la République, avec l’appui des travailleurs et l’humble soumission des bourgeois, le Gouvernement provisoire, des citoyens si dévoués, des patriotes si purs, aboutissent juste à rien ? que les trois mois de misère accordés par le peuple s’écouleraient sans fruit ? que