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pugnent invinciblement à l’an-archie, qu’ils prennent pour le désordre ; comme si la démocratie pouvait se réaliser autrement que par la distribution de l’autorité, et que le véritable sens du mot démocratie ne fût pas destitution du gouvernement. Ces gens-là ressemblent tous à ce maquignon qui, ayant pris un commis pour débrouiller ses comptes, se croyait volé, parce qu’il voyait les parties rangées sur deux colonnes, l’une au débit, l’autre au crédit. « Je fais tous mes achats au comptant, s’écriait-il ! Je ne dois rien à personne, et prétends ne devoir jamais rien ! » — M. Thiers, exposant avec sa merveilleuse lucidité l’origine et le développement de la propriété, sans vouloir entendre parler de sa corruptibilité et de sa décadence, est le pendant de ce maquignon. Cela n’empêche pas que M. Thiers ne soit aujourd’hui le sauveur de la famille et de la propriété. Pour prix de sa science économique, il sera bientôt ministre ; tandis que moi, pauvre vérificateur d’écritures, je suis une peste publique, et l’on me met en prison. Entre la communauté et la propriété, il ne faut pas mettre le doigt !...

Le Système des Contradictions économiques ou Grand-Livre des mœurs et institutions, peu importe le nombre des cadres, comptes généraux ou catégories, est le vrai système de la société, non telle qu’elle se développe historiquement et dans l’ordre des générations, mais dans ce qu’elle a de nécessaire et d’éternel. Comme dans une entreprise industrielle, de nouvelles relations donnent lieu chaque jour à de nouveaux comptes, et modifient incessamment l’organisation intérieure du travail, la distribution des ouvriers et employés, l’emploi des machines, etc. ; ainsi, dans la société, de nouvelles lumières, de grandes découvertes, produisent incessamment de nouvelles mœurs et modifient l’économie générale. Mais de même encore que, dans toute société de commerce ou d’industrie, les principes de comptabilité, le système général des écritures est invariable ; que les livres