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si ce principe avait donné lieu à une institution, l’institution elle-même devait être considérée comme factice, comme une utopie.

Muni de ce critérium, je choisis pour sujet d’expérience ce que j’avais trouvé dans la société de plus ancien, de plus respectable, de plus universel, de moins controversé, la Propriété. On sait ce qui m’arriva. Après une longue, minutieuse, et surtout impartiale analyse, j’arrivai, comme un algébriste conduit par ses équations, à cette conclusion surprenante : La propriété, de quelque côté qu’on la tourne, à quelque principe qu’on la rapporte, est.... une idée contradictoire ! Et la négation de la propriété emportant celle de l’autorité, je déduisis immédiatement de ma définition ce corollaire non moins paradoxal : La véritable forme du gouvernement, c’est l’an-archie. Enfin, trouvant par une démonstration mathématique qu’aucune amélioration dans l’économie de la société ne pouvait arriver par la seule puissance de sa constitution primitive, et sans le concours et la volonté réfléchie de tous ; reconnaissant ainsi qu’il y avait une heure marquée dans la vie des sociétés, où le progrès, d’abord irréfléchi, exigeait l’intervention de la raison libre de l’homme, j’en conclus que cette force d’impulsion spontanée que nous appelons Providence n’est pas tout dans les choses de ce monde : de ce moment, sans être ce qu’on appelle assez peu philosophiquement un athée, je cessai d’adorer Dieu. — Il se passera fort que vous l’adoriez, me dit un jour, à ce propos, le Constitutionnel. — Peut-être.

Était-ce maladresse de ma part à manier l’instrument dialectique, illusion produite par cet instrument même et inhérente à sa construction ; ou plutôt, la conclusion que je venais d’exprimer était-elle seulement le premier terme d’une formule que l’état peu avancé de la société, et par conséquent de mes études, laissait incomplète ? Je ne le sus pas d’abord, et ne m’arrêtai point à le vérifier. Je crus mon