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marraine une académie ; et si ma vocation, dès longtemps décidée, avait pu fléchir, l’encouragement que je reçus alors de mes honorables compatriotes l’aurait confirmée sans retour.

Je me mis aussitôt à l’œuvre. Je ne fus point demander la lumière aux écoles socialistes qui subsistaient à cette époque, et qui déjà commençaient à passer de mode. Je laissai pareillement les hommes de parti et de journalisme, trop occupés de leurs luttes quotidiennes pour songer aux conséquences de leurs propres idées. Je n’ai pas connu davantage, ni recherché les sociétés secrètes : tout ce monde me semblait s’éloigner autant du but que je poursuivais que les éclectiques et les jésuites.

Je commençai mon travail de conspiration solitaire par l’étude des antiquités socialistes, nécessaire, à mon avis, pour déterminer la loi théorique et pratique du mouvement. Ces antiquités, je les trouvai d’abord dans la Bible. Parlant à des Chrétiens, la Bible devait être pour moi la première des autorités. Un mémoire sur l’institution sabbatique, considérée au point de vue de la morale, de l’hygiène, des relations de famille et de cité, me valut une médaille de bronze de mon académie. De la foi où l’on m’avait élevé, je me précipitais donc, tête baissée, dans la raison pure, et déjà, chose singulière, et pour moi de bon augure, pour avoir fait Moïse philosophe et socialiste, je recevais des applaudissements. Si je suis maintenant dans l’erreur, la faute n’en est pas à moi seul : fut-il jamais séduction pareille ?

Mais j’étudiais surtout pour réaliser. Je me souciais peu des palmes académiques ; je n’avais pas le loisir de devenir savant, encore moins littérateur ou archéologue. J’abordai de suite l’économie politique.

J’avais pris pour règle de mes jugements que tout principe qui, poussé à ses dernières conséquences, aboutirait à une contradiction, devait être tenu pour faux et nié ; et que,