Il y a deux manières d’étudier l’histoire : l’une que j’appellerai la méthode providentielle, l’autre qui est la méthode philosophique.
La première consiste à rapporter la cause des événements, soit à une volonté supérieure dirigeant de haut le cours des choses, et qui est Dieu ; soit à une volonté humaine momentanément placée de manière à agir sur les événements par son libre arbitre, comme Dieu. Cette méthode n’exclut pas absolument tout dessein, toute préméditation systématique dans l’histoire : mais ce dessein n’a rien de nécessaire, il pourrait être à chaque instant révoqué au gré de son auteur ; il dépend entièrement de la détermination des personnages, et de la volonté souveraine de Dieu. De même que Dieu, suivant les théologiens, aurait pu créer une infinité de mondes différents du monde actuel ; de même la Providence aurait pu diriger le cours des événements d’une infinité d’autres manières. Si, par exemple, Alexandre le Grand, au lieu de mourir à trente-deux ans, avait vécu jusqu’à soixante ; si César avait été vaincu à Pharsale ; si Constantin n’était pas allé s’établir à Bysance ; si Charlemagne n’eût pas fondé ou consolidé le pouvoir temporel des papes ; si la Bastille ne s’était pas laissé prendre le 14 juillet, ou qu’un détachement de grenadiers eût chassé du Jeu de paume les représentants du peuple, comme firent ceux de Bonaparte à Saint-Cloud, n’est-il pas vrai, demande l’historien providentiel, que la civilisation aurait pris un autre cours, que le catholicisme n’aurait pas eu le même caractère, et qu’Henri V ou Louis XVII serait roi ?
On voit qu’au fond cette théorie n’est pas autre chose que celle du hasard. Ce que le croyant nomme Providence, le sceptique l’appelle Fortune : c’est tout un. Morey et Alibaud, croyant par le régicide hâter le triomphe de la démocratie ; Bossuet, rapportant l’histoire universelle à l’établissement de l’Église catholique, apostolique et romaine,