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pour la théocratie, une condition d’existence. Par le mariage, le prêtre appartenait plus à la cité qu’à l’Église : la centralisation romaine était impossible. Périsse la démocratie, périsse l’humanité plutôt que le pape ! La volonté du pontife fit plier la volonté du peuple ; les prêtres mariés furent notés d’infamie, leurs épouses traitées de concubines, leurs enfants déclarés bâtards. Pour comble de malheur, la question du mariage ecclésiastique identifiée à celle des investitures, acheva, peut-être mieux encore que les foudres papales, de dépopulariser les prêtres mariés. Le peuple, comme le pape, était guelfe ; les prêtres, par le mariage, devenaient gibelins. Après une longue lutte, l’autorité spirituelle l’emporta ; mais la soumission ne fut jamais entière, et les représailles furent terribles. Des cendres des Albigeois, des Vaudois, des Hussites, sortit enfin Luther, cet autre Marius ; Luther, moins grand pour avoir aboli les indulgences, les images, les sacrements, la confession auriculaire, le célibat ecclésiastique, que pour avoir frappé le catholicisme au cœur, et avancé l’heure de l’émancipation universelle.

Je reprends mon récit.

Enfin, quoique un peu tard, le suffrage universel s’était fait entendre. L’Assemblée nationale était réunie, le Gouvernement provisoire avait résigné ses pouvoirs, la commission exécutive était installée, et toujours rien ne se faisait, rien ne se préparait. L’État, immobile, restait, pour ainsi dire, au port d’armes.

Les démocrates gouvernementalistes résolurent de tenter un nouvel effort. Cette fois, ils se montrèrent plus habiles : on ne parla ni de socialisme ni de dictature ; la question fut exclusivement politique. On s’adressait aux sentiments les plus chers de l’Assemblée. L’émancipation de la Pologne fut le prétexte de cette troisième journée. Question de nationalité pour un peuple ami, jadis le boulevard de la chrétienté contre les Ottomans, et naguère encore celui de la