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proviennent de ce que le peuple, ou plutôt les chefs de bandes insurrectionnelles, après avoir brisé le trône et chassé le dynaste, ont cru révolutionner la société parce qu’ils révolutionnaient le personnel monarchique, et qu’en conservant la royauté tout organisée, ils la rapportaient, non plus au droit divin, mais à la souveraineté du peuple. Erreur de fait et de droit, qui dans la pratique n’a jamais pu s’établir, et contre laquelle protestent toutes les révolutions.

D’un côté, la logique des événements a constamment prouvé qu’en conservant à la société sa constitution monarchique, il fallait tôt ou tard revenir à la sincérité de la monarchie ; et il est rigoureusement vrai de dire que la démocratie, pour n’avoir pas su définir son propre principe, n’a été jusqu’ici qu’une défection envers la royauté. Nous ne sommes pas des républicains ; nous sommes, suivant la parole de M. Guizot, des factieux.

D’autre part, les politiques du droit divin, argumentant de la constitution même du pouvoir prétendu démocratique, ont démontré à leurs adversaires que ce pouvoir relevait nécessairement d’un autre principe que la souveraineté du peuple, qu’il relevait de la théocratie, dont la monarchie n’est, ainsi que je l’ai dit, qu’un démembrement. Le gouvernementalisme, remarquez-le bien, n’est point issu d’une doctrine philosophique, il est né d’une théorie de la Providence. Chez les modernes, comme dans l’antiquité, le sacerdoce est le père du gouvernement. Il faut remonter d’abord à Grégoire VII, puis de celui-ci jusqu’à Moïse et aux Égyptiens, pour retrouver la filiation, chez les peuples chrétiens, des idées gouvernementales, et l’origine de cette funeste théorie de la compétence de l’État en matière de perfectibilité et de progrès.

Moïse, s’obstinant à faire une société de déistes d’une peuplade idolâtre à peine sortie des habitudes anthropophages, ne réussit qu’à la tourmenter pendant douze siècles.