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pussent point, comme au 17 mars, essayer d’en changer le caractère et le but : mais on avait compté sans Blanqui[1]. Tandis que le Luxembourg sommait le pouvoir de s’occuper de l’organisation du travail par l’association, les clubs, raconte M. de Lamartine, et mes renseignements concordent avec les siens, se mettaient en permanence, nommaient un Comité de salut public, et se préparaient, comme au 17 mars, à prendre la tête de la manifestation, et à provoquer l’épuration du Gouvernement provisoire.

Louis Blanc, dont la pensée ramenait tout au Luxembourg, ne paraît pas avoir eu, le 16 avril, la conscience claire de ce qui se préparait : dans sa Revue du 15 septembre, il nie l’existence d’un complot. J’avoue que tout en rendant justice à ses sentiments vis-à-vis de ses collègues,

  1. Lorsque je signale la présence de Blanqui dans la manifestation du 16 avril, c’est surtout du parti que je veux parler, beaucoup plus que de l’homme. Il est avéré que cette manifestation est partie du Luxembourg : quelques-uns assurent même qu’elle était secrètement appuyée par la préfecture de police, et dirigée tout à la fois contre l’influence de Blanqui et celle du National. En sorte que, d’après cette version, qui a tous les caractères de la vérité, et qui d’ailleurs n’exclut pas l’autre, les auteurs de la manifestation du 16 avril, ultra-révolutionnaires à l’égard des républicains du National et de la Réforme, n’étaient plus que des tiers-partis vis-à-vis des communistes, à la tête desquels on faisait figurer, ex-æquo, Cabet et Blanqui. Il est donc peu probable que ce dernier ait pris aucune initiative dans un mouvement qui avait pour but, en partie, de le sacrifier. Mais en révolution, les meneurs proposent et le peuple dispose. Au 16 avril, comme au 17 mars, les amis de Blanqui, qui se trouvaient un peu partout, à la préfecture de police comme au Luxembourg, et qui étaient les plus énergiques, donnèrent le ton au mouvement, et ce que l’on avait prémédité de faire contre les deux fractions extrêmes du parti démocratique tourna au profit de la réaction conservatrice. Quand donc la démocratie sera-t-elle débarrassée de toutes ces intrigues qui la perdent et la déshonorent ?
    …...Au reste, de nombreuses confidences m’en ont acquis la certitude : du 25 février au 26 juin, tout, dans le gouvernement et hors du gouvernement, conspirait. Jusqu’à M. de Lamartine. La confusion était universelle. La dictature ne comptait pas moins de cinq ou six compétiteurs. Le pouvoir étant le point de mire de toutes les idées comme de toutes les ambitions, chacun s’apprêtait de son côté à en appeler à la force. La concurrence des candidats a seule empêché l’usurpation.