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des places ! Le beau sexe n’était pas oublié : une ordonnance du ministre de l’instruction publique autorisait le citoyen Legouvé à ouvrir à la Sorbonne un cours d’Histoire morale de la femme. Puis le Gouvernement provisoire organisait des fêtes : invitation était faite par son ordre au ministre des cultes de faire chanter le Domine salvam fac rempublicam, et d’appeler sur la République la bénédiction divine. Caussidière lui-même, le terrible Caussidière, faisait rendre au service du culte l’église de l’Assomption, dont les patriotes avaient fait un club. Et vous êtes surpris que le pape soit à présent plus maître à Paris qu’à Rome !... L’abbé Lacordaire devenait en même temps représentant et prédicateur ordinaire de la République, pendant que l’archevêque de Paris, Affre, avec une malicieuse bonhomie, faisait chanter dans les églises le verset ironique : Domine salvum fac populum, Ô Dieu sauvez ce peuple, car il ne sait ce qu’il fait.

Du reste, le public et la presse étaient à la hauteur de l’autorité. Un placard demandait que le gouvernement empêchât la sortie des capitaux, et que M. Rothschild fût mis en surveillance. Un autre proposait de vendre les diamants de la couronne, et d’inviter tous les citoyens à porter leur argenterie à la Monnaie ; un troisième parlait de transporter les restes d’Armand Carrel au Panthéon. La Démocratie pacifique, prenant aussi l’initiative, demandait que la blouse fût adoptée pour uniforme par toutes les gardes nationales de la république ; que des bureaux d’indication et de placement pour les ouvriers fussent organisés par l’État ; que des professeurs fussent envoyés dans les départements pour démontrer aux paysans la supériorité de la forme démocratique sur la monarchique, etc. Georges Sand chantait des hymnes aux prolétaires ; la Société des gens de lettres se mettait à la disposition du gouvernement : pourquoi faire ? c’est ce qu’elle ne disait point, et qu’on n’a