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la suite contre toute politique subjective et arbitraire.

Qu’on répète tant qu’on voudra que le 2 décembre a été un guet-apens, un acte de brigand, où l’armée s’est montrée féroce, le peuple lâche, le pouvoir scélérat : tout cela ne fait qu’embrouiller l’énigme. Certes, il fallait être un peu l’homme de Strasbourg et de Boulogne pour accomplir le 2 décembre ; mais en accordant à l’événement tous les caractères qu’on lui donne, il reste toujours à expliquer ceci : Comment celui qui échoua si misérablement à Boulogne et à Strasbourg, dans des circonstances qui, d’après nos mœurs insurrectionnelles, ne pouvaient que lui concilier une certaine estime, réussit à Paris dans des conditions odieuses ; comment à point nommé, le soldat, si sympathique à l’ouvrier, sous prétexte de discipline s’est montré impitoyable ; comment le peuple a été lâche, plus lâche que le gouvernement renversé par lui en 1848 ; comment, un matin, il s’est pris de haine pour la liberté, de mépris pour la Constitution, et d’adoration pour la force !

Il est certain, quoi qu’on ait dit du courage de l’armée au 2 décembre, que ce courage a été singulièrement excité par la défection complète, disons mieux, par l’adhésion formelle du peuple. Il est certain qu’un moment, le 3 et le 4, il suffit d’une poignée d’insurgés pour rendre douteux le succès du coup d’État, et que si, à cette heure, le peuple, remplissant les rues, avait magnétisé le soldat, la chance tournait contre Louis Bonaparte.

La masse, il faut l’avouer, parce que cela nous