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que, victorieuse ou vaincue en compagnie de l’Élysée, elle perdait, avec sa dignité, le fruit de sa tactique ?

Pour moi, je partage entièrement l’opinion exprimée par Michel (de Bourges) et Victor Hugo. Ils ne pouvaient pas, comme ils l’ont dit, armer la loi du 31 mai, la contre-révolution ; ils ne pouvaient, sans abandonner la politique des principes pour celle des personnalités, mettre à ce point leur conduite en opposition avec leurs paroles. Le rejet du rappel de la loi du 31 mai et la proposition des questeurs étaient deux actes solidaires, que le bon sens défendait de scinder. Autant, par la proposition de l’Élysée, on rentrait dans la Constitution, autant, par celle des questeurs, vraie escobarderie, on en sortait. Voter aujourd’hui pour le suffrage universel, c’était prendre l’engagement de voter demain contre l’érection d’une dictature en opposition à la présidence : tout le malheur de la Montagne, dans cette occasion, a été de ne pas embrasser résolument la situation qui lui était faite, d’accepter, telle quelle, son alliance du moment avec l’Élysée, et d’en poursuivre jusqu’au bout les conséquences.

Mais les passions trop animées, les ressentiments trop acres, ne laissaient plus de place à la réflexion. À partir du 17 novembre, les rôles sont complètement intervertis, au détriment de la majorité, et sans bénéfice pour la Montagne. Au lieu de subalterniser la première, l’Élysée traîne à sa remorque la seconde, et comme il n’est l’allié d’aucune, il les domine toutes deux. La gauche sentait parfaitement ce qu’avait de fâcheux pour elle son attitude : ses orateurs et ses journaux n’épargnèrent rien pour