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parlé au peuple que de fraternité, de tolérance, de sacrifice. Ils auraient cru forfaire à leur mandat, en sortant des voies légales, et jetant, de leur autorité précaire, le peuple dans la Révolution.

On criait, autour d’eux, que la religion était menacée. Ils ont appelé la bénédiction de l’Église sur la République, introduit le clergé dans l’Assemblée nationale.

On répandait que la Révolution allait désorganiser l’État, que la démocratie, c’était l’anarchie. Ils ont répudié la tradition d’Hébert, et pris pour devise les mots sacramentels : Unité, indivisibilité de la République, séparation des pouvoirs, Constitution.

Le socialisme était accusé de prêcher le pillage, la loi agraire. Ils ont sauvé la Banque en donnant cours forcé à ses billets, consolidé la dette flottante, avec un bénéfice énorme pour les porteurs de bons du Trésor et les déposants de la Caisse d’épargne. Plutôt que de recourir à des moyens sommaires, extra-légaux, contre les riches, ils ont préféré, dans le besoin urgent de la République, demander au peuple son dernier sou, et rogner leurs propres traitements. Partout ils ont mis l’honnêteté à la place de la politique, se détournant avec dégoût des hypocrisies princières et des violences de la démagogie.

Et cependant, quels prétextes, quels exemples, ne pouvaient-ils pas invoquer !

De tout temps la multitude a cru que la morale n’obligeait pas les dépositaires de sa puissance, et que ce qu’ils faisaient était bien, pourvu qu’il lui fût, à elle, profitable. Le sénat romain obéissait à