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Si les hommes du Gouvernement provisoire avaient été convaincus de la vérité de ces idées, combien la Révolution leur eût été légère ! Avec quel calme, quelle sécurité, ils eussent abordé leur tâche ! Et de quel dédain ils eussent accueilli cette clameur qui commençait à s’élever contre la démocratie, et qui demeurant sans réponse, ne soulevant que des protestations embarrassées, honteuses, devait sitôt l’engloutir : « Quoi ! toujours nier ! toujours détruire ! toujours des ruines ! toujours le néant ! C’est là ce qu’on nomme progrès et liberté !… »

À Dieu ne plaise que j’inculpe ici des hommes qui tous, agissant dans la mesure de leurs lumières, ont obéi à leur conscience, et n’ont pas cru pouvoir assumer la responsabilité de si grandes choses. J’ai pu combattre les opinions de presque tous : je n’ai jamais mis en doute la probité, le dévouement d’aucun. Ils ont quitté le pouvoir, les mains pures de rapine et de sang. Le seul dont la vertu parut alors suspecte, Armand Marrast, vient de mourir pauvre, ne laissant pas de quoi payer ses funérailles. Toute leur ambition, après avoir exercé deux mois un pouvoir auquel rien, si ce n’est leur conscience, ne fixait de limites, a été de remettre au nouveau pays légal le soin de ses destinées, et de rendre, fidèles commis, des comptes justes. Poursuivis par les souvenirs de 93, que déjà la calomnie évoquait contre eux, et pleins de l’idée que la République avait plus à fonder qu’à détruire ; ne voulant ni passer pour démolisseurs, ni usurper la souveraineté nationale, ils se sont bornés à maintenir l’ordre, et à rassurer les intérêts. Ils n’ont