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tantes : on ne pouvait pas, au nom de la critique, engager la critique : la négation devait aller à l’infini, et tout ce qu’on ferait pour l’arrêter était condamné d’avance comme une dérogation au principe, une usurpation du droit de la postérité, un acte rétrograde. Aussi plus les années s’écoulèrent, et plus les théologiens se divisèrent, plus les églises se multiplièrent. Et en cela précisément consistait la force et la vérité de la Réforme, là était sa légitimité, sa puissance d’avenir. La Réforme était le ferment de dissolution qui devait faire passer insensiblement les peuples de la morale de crainte à la morale de liberté : Bossuet, qui fit aux églises protestantes un grief de leurs variations, et les ministres qui en rougirent, prouvèrent tous par là combien ils méconnaissaient l’esprit et la portée de cette grande révolution. Sans doute ils avaient raison, au point de vue de l’autorité sacerdotale, de l’uniformité du symbole, de la croyance passive des peuples, de l’absolutisme de la loi, de tout ce que le mouvement critique, déterminé par Bacon, allait démontrer insoutenable et vain. Mais le papisme, en niant le droit à la pensée et l’autonomie de la conscience ; le protestantisme, en voulant se soustraire aux conséquences de cette autonomie et de ce droit, méconnaissaient également la nature de l’esprit humain. Le premier était franchement contre-révolutionnaire ; l’autre, avec ses transactions perpétuelles, était doctrinaire. Tous deux, bien qu’à un degré différent, se rendaient coupables du même délit : pour assurer la croyance ils détruisaient la raison ; quelle théologie !…