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prescriptible et inaliénable des idées et des phénomènes, la faculté de construire des systèmes à l’infini, ce qui équivaut à la nullité de système. La raison, instrument de toute étude, tombant sous cette critique, était démocratisée, partant amorphe, acéphale. Tout ce qu’elle produisait de son fonds, en dehors de l’observation directe, était démontré à priori vide et vain ; ce qu’elle affirmait jadis, et qu’elle ne pouvait déduire de l’expérience, était rangé au nombre des idoles et des préjugés. Elle-même n’existant plus que par la science, confondant ses lois avec celles de l’univers, devait être réputée inorganique : c’était, par essence, une table rase ; la raison était un être de raison. Anarchie complète, éternelle, là où des philosophes et théologiens avaient affirmé un principe, un auteur, une hiérarchie, une constitution, des principes premiers et des causes secondes : telle devait être la philosophie après Bacon, telle à peu de chose près fut la critique de Kant. Après le Novum Organum et la Critique de la Raison pure, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de système de philosophie : s’il est une vérité qui doive être réputée acquise, après les efforts récents des Fichte, des Schelling, des Hegel, des éclectiques, des néo-chrétiens, etc., c’est celle-là. La vraie philosophie, c’est de savoir comment et pourquoi nous philosophons ; en combien de façons et sur quelles matières nous pouvons philosopher ; à quoi aboutit toute spéculation philosophique. De système il n’y en a pas, il ne peut pas y en avoir, et c’est une preuve de médiocrité philosophique, que de chercher aujourd’hui une philosophie.

Cultivons, développons nos sciences ; cherchons-